Verbe sacré 7e édition : la Nef des fous

15 septembre 2016 / 17 septembre 2016
Site historique de l'ancienne abbaye de Landévennec, Presqu'ile de Crozon 

De folie et d’étonnement

En préparant la 7ème édition de Verbe Sacré, la réflexion s’est portée sur « l’étonnement », la beauté de l’étonnement, du fait de travailler sur des textes qui nous lient intimement au savoir, au patrimoine culturel, esprit de l’humanité… Ce matériau, issu du puits des nourritures terrestres, appartient à chacun, le conviant à se tourner un instant vers les hauteurs, en signe de reconnaissance ou tentative de réponse au pourquoi de l’existence.

La nouvelle création scénique, LA NEF DES FOUS, répercute les voix du livre de JOB et du dramaturge russe GOGOL, prosateur, dramaturge, poète, critique littéraire et publiciste russe d’origine ukrainienne, né en 1809 et mort à Moscou en 1852. Gogol est l’un des écrivains classiques de la littérature russe, ami de Pouchkine, père spirituel de Dostoïevski : « Nous sommes tous sortis du Manteau de Gogol », admiré de Tolstoï.

« Et si, de deux fous… euh !… sont-ils vraiment fous ?! Ou plutôt, si… deux oubliés de la terre… l’un, éprouvé par la vie, et l’autre, par son dieu… si les deux perdaient leur âme… euh !… leur nez ? L’un, se nommerait Iyof. Perché sur son tas de… cendres ou de détritus, pleurant et invectivant l’Invisible, qui ne semble jamais entendre ou, pire, qui se joue de lui… Tandis que l’autre, un dénommé Khlestakof, sorte d’espiègle, conjecturerait sur ce que devient le monde, monnayerait les morts du village… Exil de deux vies, qu’on dirait aujourd’hui âmes mortes… » 

N’accuse pas le miroir si ta gueule est de travers. Dicton populaire russe • préface au Révizor

 

La Nef des Fous… Dans les sphères de la folie

Vient à propos ce projet fondé sur la rencontre possible, songée entre deux êtres, deux fous, deux brûlés du monde… Job et Gogol, deux astres, deux éprouvés de l’inatteignable, deux hommes, humbles et sombres quand ils versent le regard sur eux ou le dirigent en pleurs et en cris vers leurs prochains. Personnages singulièrement détonants qui donnent à accomplir un périple dans les sphères de l’indicible, parlant sans fioritures, sans circonvolutions étourdissantes, dans l’ordre d’une folie vraie, sincère, spontanée, qui se destinerait aux hommes de tous les jours. Ils font partie de cette humanité si décalée, si à fleur de peau et si… cruelle. Vérité qui met à nu, en vibration pour approcher au plus près ce qui établit un rapport tangible, un dialogue de l’être à son Dieu, de Iyof /Job à Adonaï, fort de sa croyance au sens « d’être », là où un espace divin s’octroie à l’homme. Car il s’agit avant tout de réussir à vivre, à survivre, sur le radeau dérivant, transporteur de toutes les âmes folles… en exil sur ce bout de terre ! 

L’un et l’autre, Job et Gogol… Gogol et Job s’efforcent d’ouïr en ce bas-monde la raison du vivre, la lutte menée par leurs congénères, au risque de devenir des déclassés, des marginaux, des asociaux… une bande de « riens » qui, depuis la nuit des temps, s’échinent à braver les interdits, les frontières levées par leurs frères. Or ceux-ci les ont trahis, en leur volonté de s’arroger l’Univers… jusqu’à ce que ces pauvres « rêveurs d’idéal » soient devenus les égarés d’un monde dur. Monde qui n’a que faire de celui qui pense, de celui qui aspire au beau, au vrai, sauf si celui-ci, usé par une lutte trop inégale, se résout à devenir servant ou une parfaite petite mécanique apte à produire. Pour celui-ci, où récolter et prodiguer les saveurs et fruits de la terre-mère ?! Chose curieuse d’ici-bas, cet état continue, se réitère, par-delà les cataclysmes qui crevassent l’univers et déportent les âmes, de peuples en peuples, d’âges en âges. Saisissante folie, si tragiquement palpable !

Ce que veut Iyof, est de comprendre le pourquoi du délaissement du Dieu. Lui, son Aimé, le gage aux mains du diable. Iyof se vide, de sa substance pour mieux sentir l’envahissement du Vrai en lui. Il en viendra à pousser une gueulante terrible, pleine d’incompréhension vers celui qu’il aime et aimera par-dessus les ruptures et les blessures… Car Job, comme Gogol, aime. Et si tous deux aiment et souffrent et se préparent à mourir pour franchir le couloir, fondamental au grand retour, et si tous deux d’amour sont prêts à mourir, c’est par vœu de mettre à bas le mal. Sur cette Nef des Fous, tandis que deux monnayeurs, Éliphaz et Khlestakof, négocient les « âmes mortes », deux autres quidams, Iyof et Tchitchikof, se fixent rendez-vous pour clamer et jouer leur part de destin sur l’échiquier de la vie.

 

Dans le cri de Job, une folie qui est plénitude du tout

« Tant que tu n’as pas réussi à conquérir certaines vertus et à les installer en toi par un travail opiniâtre, tout ce que ta plume écrira sera mort et paraîtra aussi loin de la vérité que la terre l’est du ciel. Je n’inventais jamais des cauchemars : ils écrasaient mon âme et je n’ai fait qu’extérioriser ce qu’il y avait dans mon âme » écrit Gogol.

Abordons la nef de l’éprouvé, non comme les aveugles de Breughel qui, s’agrippant à d’autres aveugles, trébuchent, mais tel le drôle et fin Tchitchikof, qui discerne le trait jaillissant venu planter, au cœur de la poignante illusion,  la tendre réalité d’une espérance. Au terme de la consumation, la barque trouvera son port d’attache, et les petites âmes, au terme de leurs errances, trouveront à apaiser les folles voltiges ! La Nef des Fous, une parabole ? Peut-être, ou plutôt un acte du réel dans la folie de l’aujourd’hui.

Antoine Juliens, directeur artistique Teatr’Opera & Verbe Sacré

 

Descriptif

Oratorio théâtral • livret et mise en scène de Antoine Juliens

Création d’après le livre de Job et les œuvres de Nikolaï Vassilievitch Gogol

Avec : Isabelle Maudet, Tchitchikof, le fonctionnaire • William Darlin, Iyof, le serviteur • Georges Salmon, Khlestakof, le tailleur • Antoine Juliens, Éliphaz, le négociant 

Création des costumes & éléments scénographiques : Laurence Chapellier 

Régie & accessoires : Basile Montagne 

 

Programme :

Jeudi 15 • Vendredi 16 • Samedi 17 septembre • 21h00

• Représentations « La Nef des Fous » / Cloître de l’ancienne abbaye

Samedi 17 septembre • 15h00

• Table ronde « De Sagesse et de Folie, d’Art et de Beauté, du cri de Job aux veilles de l’âme russe » / Auditorium de la nouvelle Abbaye

Animée par Marie-Josette le Han, professeur de Lettres modernes à l’Université de Brest • Yvon Tranvouez, professeur (Émérite) d’Histoire contemporaine et Président de Abati Landevenneg • Christian Roblin, Directeur de la SOFIA (Société Française des Intérêts des Auteurs de l’écrit) • Samuel LAIR, Docteur-ès-Lettres, Vice-Président Société Octave Mirbeau • Gilles Baudry, écrivain (Éditions Rougerie)  • Michel Brethenoux, Conférencier, Spécialiste de Paul et Camille Claudel • Équipe de Verbe Sacré

• Spectacle : 15 € • tarif réduit (moins de 18 ans, étudiants, demandeurs d’emploi, groupes) : 13 €

• Table ronde : entrée libre

Réservations : mairie.landevennec@wanadoo.fr • tél. 02 98 27 72 65 • musee.landevennec@wanadoo.fr • tél. 02 98 27 35 90 & Point d’Information Touristique de Landévennec : tél. 02 98 27 78 46 (jusqu’au 31 août)

Administration : MPM.international@wanadoo.fr • tél. +33 (0)1 49 23 83 60 • www.verbesacre.comwww.teatr-opera.comteatropera1@gmail.com

 

Extrait « La Nef des Fous »

 

Tchitchikof Tu dis terre, moi je dis fumier ! Il obéit, car il a peur. Et crois-tu que c’est pour rien ? (un temps.) N’as-tu pas dressé des murs, (avec ironie.) et aujourd’hui des blockhaus pour le protectionner, lui, sa maison et tout ce qu’il possède ? Ainsi, tu bénis son boulot, afin que se renfle son troupeau ! (un temps.) Tiens, ôte ta main de sur lui, puis pose-là sur tout ce qu’il grappille… Je te jure, de face il te maudira ! Et plus vite que tu ne crois !

Éliphaz D’accord… va ! Prends main sur tout ce qu’il possède, Tchitchikof ! Mais de lui ne touche à rien ! 

Tchitchikof, reprend son pas de danse, et disparait sous l’œil songeur d’Éliphaz. Un son trouble, strident, parcourt tout le tertre. 

Iyof, inquiet, gravit sur son promontoire, regarde au loin. Il semble désemparé

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