Leitura Furiosa a été imaginée par Cardan, la librairie Pages d’Encre et la Bibliothèque Municipale d’Amiens à la suite d’une sortie « frustrante » au Salon du Livre de Paris. Le Cardan est né la même année que le mot « illettrisme ». L’association a développé des actions de médiation et de formation en direction des personnes en situation d’illettrisme. Et en se rendant en groupe au Salon du Livre en 1992, nous avons fait le constat de l’impossibilité de la rencontre entre auteurs et personnes « fâchées » avec la lecture dans ce cadre de dédicaces et de tables rondes. L’idée « diaboliquement simple » qui a émergé souhaitait créer les conditions d’une véritable rencontre entre des petits groupes de « fâchés » et d’auteurs.
Une rencontre insolite, puisqu’à priori, rien ne permettait que ces mondes se rencontrent. Une rencontre privilégiée, que le groupe ne soit pas trop nombreux, que le midi tout le monde mange ensemble, qu’il ne s’agisse pas d’un atelier d’écriture, mais d’un moment où l’auteur glane les éléments qu’il utilisera plus tard dans l’écriture. Que cette rencontre soit performative, que naisse un texte original, de littérature contemporaine de chacune des rencontres. Nous avons multiplié les contraintes d’écriture : écrire un texte de moins de 3000 signes en une nuit, qu’il ne s’agisse ni d’un compte-rendu, ni d’une description. Nous proposons une performance d’imprimerie également : chaque texte est illustré en direct, corrigé et mis en page « à vue » et imprimé pendant la nuit (en cahier central du Courrier Picard et en affiche : 1 m² de littérature). Que cette rencontre soit un moment de discussion, d’échange, de manipulation, de découverte de livres et que chaque groupe passe du temps en librairie, avec l’auteur. Que lors de la restitution publique les textes soient portés par les personnes « fâchées » avec la lecture (en sollicitant les participant.e.s aux rencontres de l’année précédentes, en les accompagnant, en les formant à la lecture pendant l’année). La rencontre est accueillie par la Maison de la Culture d’Amiens qui met à disposition le Grand Théâtre (1700 places) et une équipe de techniciens qui permettent d’agencer une restitution « spectaculaire » qui mêle lecture, musique, sketches le temps du dimanche.
Leitura Furiosa porte un nom portugais, ce qui lui a valu l’intérêt d’un collectif d’auteurs portugais. En 2001, une « émissaire » Eduarda Dionisiò est venue participer et a « importé » la manifestation au Portugal. L’événement est réalisé dans les mêmes conditions et au même moment à Amiens, Lisbonne et Porto. Et tous les textes sont traduits (du portugais vers le français et du français vers le portugais) pendant le weekend et paraissent dans l’édition livresque réalisée avec un an de décalage.